Notes

  • 07/01/2018 Marjorie Jouen

    Le Brexit, une chance pour l’écologie européenne

    Paul Kingsnorth essayiste britannique a publié dans la revue française L’Ecologiste n°49 de mai-juillet 2017 un article intitulé « Le Brexit : une chance pour l’écologie ? » qui mérite une mise au point.

    En effet, prétendre, comme il le fait, que les dérives agro-industrielles britanniques constatées actuellement sont exclusivement dues à la modernisation imposée par Bruxelles lorsque le Royaume-Uni a rejoint la CEE au début des années 1970 reflète une méconnaissance grave de l’histoire de son pays. En effet, nous savons qu’avec le mouvement des « enclosures » l’Angleterre a été le premier pays en Europe et probablement dans le monde à forcer sa population agricole et rurale à quitter ses villages et à venir grossir les rangs de la main d’œuvre industrielle, dans les usines textiles ou dans les mines. Le désarroi social et politique marquant l’entrée dans le capitalisme de la société britannique a été parfaitement décrit et analysé par Karl Polanyi dans « La grande transformation ». On en connaît aussi les conséquences sur les famines du XIXème siècle en Irlande et sur la forte émigration vers le continent américain. Kingsnorth passe également sous silence la situation atypique de dépendance alimentaire du Royaume-Uni, à l’égard des autres territoires de son empire et finalement du Commonwealth, qui explique les longues négociations précédant et suivant l’adhésion. Elles n’ont pu être soldées qu’avec les accords de Fontainebleau en 1984 et le célèbre « I want my money back » : l’approvisionnement de la population britannique passait alors obligatoirement par le commerce intercontinental. On peut difficilement faire pire en termes écologiques, et ceci ne date pas du XXème siècle. Dès 1817, David Ricardo énonçait la loi des avantages comparatifs, bien connue des étudiants en économie, selon laquelle il vaut mieux que le Portugal produise du vin et l’Angleterre du drap … en s’approvisionnant en coton dans ses anciennes colonies américaines ou indiennes.

    Hélas, si dans les années 1990 ce pays a été le berceau de la crise de la « vache folle » et de la brebis clonée Dolly, c’est davantage le produit du néo-libéralisme porté par Mrs Thatcher et son successeur que celui des diktats de l’Union européenne, qualifiée avec exagération de « monstre » par l’auteur.

    N’en déplaise à Kingsnorth, l’apport des travaux des universités allemandes (Wuppertal) et nordiques (Aalborg, Malmö), sans oublier aussi leurs voisines suisses, a été bien plus déterminant dans la constitution d’un corpus écologiste dans la réglementation européenne que celui des Britanniques. Certes, Nicholas Stern a contribué de manière essentielle à des prises de décisions mondiales sur le sujet, mais c’est par une approche monétaire et au travers de son rapport sur l’économie du changement climatique.

    Quant aux perspectives ouvertes par le Brexit, les inquiétudes des ONG britanniques regroupées dans le réseau « Greener UK » attestent que l’avenir se présente sous un jour sombre pour ce futur ex-Etat membre. Les ONG militent aujourd’hui pour la conservation de l’acquis communautaire environnemental contre un Gouvernement, qui non seulement a souvent combattu la taxe carbone mais considère à présent qu’un tiers des normes ne pourront être transférées dans la loi britannique. C’est d’autant plus inquiétant que ce pays est l’un des plus pollués par les particules fines avec 30 à 40 000 décès prématurés annuels. Le Brexit sera probablement une chance pour l’écologie européenne mais les écologistes britanniques ont une lourde tâche pour qu’il le soit pour leur Royaume.